1,3K 0 0 votes Note de l'article : Au lendemain du séisme et du tsunami qui a frappé la ville de Fukushima au Japon (11 mars 2011), les premiers arrivés sur place n’étaient ni les organisations non gouvernementales, ni même l’armée. Les yakuza, la mafia japonaise, ont dépêché des centaines d’hommes et des dizaines de camions chargés de couvertures, de nouilles lyophilisées, de lampes de poche et de couches pour bébé. Ils ont par la suite ouvert les portes de leurs entreprises aux réfugiés à Tokyo. Jake Adelstein, journaliste américain spécialiste de la mafia japonaise, auteur du livre Tokyo Vice : An American Reporter on the Police Beat in Japan (éditions Pantheon Books), explique l’intérêt qu’ont les yakuza dans la région du Tohoku, frappée par le séisme. « Le crime organisé japonais détient 3 % à 4 % de l’industrie du bâtiment. En étant les premiers sur le terrain, ils espèrent pouvoir récupérer une part du marché de la reconstruction. Et en avançant vite leurs pions, ils n’auront pas à payer cher. » ILS PEUVENT AGIR TRÈS VITE, ILS N’ONT PAS DE RÈGLES À SUIVRE Lors du séisme de Kobé, en 1995, l’aide du gouvernement était totalement désorganisée. Seul le Yamaguchi-Gumi, principale organisation yakuza du Japon, dont le siège est à Kobé, était en mesure de fournir une aide concrète aux habitants de la ville dévastée, mobilisant même un hélicoptère. Ils ont immédiatement investi massivement dans la reconstruction et engrangé des milliards de profit. « Ils peuvent agir vite car ils n’ont pas de règles à suivre. Quand les routes étaient impraticables avec les camions, ils ont fait descendre une vingtaine d’hommes portant les sacs sur leur dos », raconte Jake Adelstein. Pour agir les mains libres, le crime organisé japonais détient un certain nombre de sociétés-écrans, notamment dans les domaines de l’immobilier et de la finance. C’est en partie au nom de ces entreprises qu’ils ont dégagé des fonds. Leurs nombreux relais dans les milieux politiques, qui font régulièrement l’objet d’articles dans la presse, leur permettent d’exercer des activités illégales sans être véritablement inquiétés. Les yakuza sont désignés sous le terme de « groupe violent » (boryokudan) par les forces de l’ordre, mais ils se considèrent eux-mêmes comme des « organisations humanitaires » (jinkyo dantai). Depuis toujours, ils cherchent à assumer un rôle de protecteurs et se targuent de maintenir l’ordre dans les rues. A l’occasion d’une enquête sur le besoin de légitimité des yakuza, Jake Adelstein s’est entretenu avec un des membres du Yamaguchi-Gumi, qui expliquait : « Ne dites pas que nous ne faisons pas de notre mieux pour fournir notre aide. Actuellement, personne ne veut s’associer à nous et nous trouverions regrettables que nos dons soient rejetés. » SOUCIEUX DE LEUR IMAGE Pour ne pas attirer l’attention, les yakuza ne se sont pas présentés en tant que tels dans les zones sinistrées. Les tatouages qui recouvrent leurs dos et leurs bras étaient masqués. Ces groupes sont aussi engagés dans une bataille pour améliorer leur image au Japon, et parmi les vingt organisations répertoriées en 2008, nombreuses sont celles qui ont leurs relais dans l’industrie du divertissement. Article extrait du magazine Shukan Taishu Des jeux vidéo louant leurs mérites affluent, comme Yakuza 4, qui s’est vendu à 560 000 exemplaires, au Japon. Un manga, Gokusen, met en scène une professeure de lycée dont le père est un amical parrain de la mafia. Adaptée à la télévision, l’histoire de cette attachante enseignante connaît un succès qui dépasse même les frontières du Japon pour toucher le public sud-coréen et chinois. La mafia dispose également de relais dans la presse. L’hebdomadaire Shukan Taishu (exemple ci-dessous), notamment, publie chaque semaine au moins un article sur les yakuza, généralement plutôt élogieux à leur égard. Un reportage intitulé, Les yakuzas envoyés au cœur du choc, sur la ligne de front, vient justement d’y être publié. Sur les murs des entreprises tenues par cette mafia, un règlement très strict est affiché : « Quiconque commet un vol, un cambriolage, un viol, prend part au trafic ou à la consommation de drogues, ou se retrouve impliqué dans un acte qui rompt avec la voie noble, sera exclu du groupe. » Tous ces actes sont considérés comme des crimes de rue de bas étage. En revanche, l’extorsion de fonds, le chantage et la fraude financière ne font pas partie de la liste… Mais Jake Adelstein ne veut pas voir l’aide humanitaire des yakuza uniquement comme un calcul intéressé : « Je suis certain qu’ils sont animés d’un désir sincère d’aider leurs compatriotes. Ce sont avant tout des hommes, leurs familles ont peut-être aussi souffert de la catastrophe. » Copyrights © lemonde.fr par Antoine Bouthier Articles similaires :[#InstaStory] Que signifie Kodomo no hi au Japon ?10 bonnes raisons d'adopter la culture du masque à la japonaise[Rapport 2019] Les satisfactions sexuelles en chiffres dans 9 pays (France, Japon, USA, Royaume-Uni....[Rapport 2019] Le Japon est-il toujours le pays le plus sûr au monde ? fukushimajapontohokuyakuza Partager 0 FacebookTwitter Reith Saji article précédent Les Yakuza, indispensables pour la reconstruction de Tohoku article suivant [Japon] Félicitation pour ton divorce You may also like Le Japon insolite : Top 5 des lieux... 12 août 2024 Réchauffons-nous dans les Onsens ! 22 janvier 2024 L’Intelligence Artificiel va-t-elle révolutionner les anime ? 8 janvier 2024 60% de la Gen Z japonaise indifférente à... 6 janvier 2024 Le jeu Ghost of Tsushima sauve un patrimoine... 9 décembre 2020 Sondage sur votre consommation de streaming Anime/Séries TV/Drama/Films 1 octobre 2020 Quel est le lien entre Sailor Moon et... 18 septembre 2020 Combien les fans de Boy’s-Love dépensent-elles par an... 18 août 2020 Que véhiculent le sourire et les dents des... 29 juillet 2020 [#InstaStory] Que signifie Kodomo no hi au Japon... 6 mai 2020 Recevoir des notifications : Login Prévenez-moi de tous les nouveaux commentaires par e-mail. 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